#4 – Février / February 2022
Dispositifs
Le dispositif d’une œuvre fait partie intégrante de sa forme et de son idée.
Il excède les seules modalités de l’exposition, pour l’œuvre plastique, ou de la publication, pour l’œuvre écrite, avec tous les croisements et solutions mixtes imaginables, pour toucher au cœur même du projet artistique.
Les techniques de présentation, mais aussi d’installation, de performance, de réception, de cocréation, obligent à penser l’œuvre comme dispositif, inséparable de contexte matériel et historique, mais également ouvert aux rites et conventions que l’art se doit d’interroger. Largement discutée dans toute les couches de la critique contemporaine, de la philosophie au journalisme, la notion de dispositif touche à divers aspects de la création, de la structure interne de l’œuvre à son inscription dans un contexte qui est à la fois matériel, discursif et historique. Le dispositif participe du brouillage des frontières et l’œuvre et son effet, l’œuvre et son commentaire, l’œuvre et sa réception, et partant des nouveaux rapports entre l’artiste et ses publics. Il touche également au montage des parties de l’œuvre et sa présentation dans des lieux d’exposition, parfois variables et souvent non programmés, puis à son articulation avec les textes d’escorte et les institutions qui les englobent.
À chaque fois, le dispositif impose une série de règles et de contraintes, tout en permettant à l’œuvre d’art de les transgresser ou de les redéfinir. Dans certains cas, évolution qui paraît logique voire inévitable, c’est le dispositif même, puis la réflexion sur le dispositif, qui devient le sujet même de l’œuvre. Faisant fi de la distinction entre l’œuvre et son cadre, pareille perspective de la création ne pousse pourtant pas vers la dématérialisation. Le dispositif tient certes du concept, mais non moins de la matérialité. C’est le chevauchement de ces deux registres que l’art contemporain se donne pour but de mettre à la question.
Le présent numéro de Place offre un éventail de quelques-unes de ces interventions.
The “dispostif” of a work is part of its form as well as its idea.
It goes beyond the mere modes of exhibition, in the case of a visual work of art, or publication, in the case of a literary creation, with all the combinations of words and images one can imagine, and touches upon the very heart of the artistic project.
The techniques of display, but also of installation, performance, reception and cocreation, force us to rethink the work as “dispositif », to link this framework with the material and historical context, and to open it to the rites and conventions all artworks have to question. The notion of “dispositif » is well established at all levels of the critical discourse on art, from philosophy to journalism, where it is inextricably linked to a wide range of aspects and dimensions, from the internal structure of the work to its integration in a context that is at the same time material, discursive and historical. The “dispositif » also contributes to the blurring of boundaries between the work and its effects, its commentaries, and its reception, and thus to the new take on the relationship between the artist and his or her audiences. Besides, it has always to do with the montage of the work’s parts or fragments and their public display in venues that may change and whose features can prove unpredictable, on the one hand, and with the connections between the work and the texts that accompany it as well as the institution hosting both the words and the images, on the other hand.
In all these cases, the “dispositif » involves a certain number of rules and constraints, while allowing to work of art to transgress or redefine them. It may even happen, and to a large extent this evolution seems logic if not inevitable, that the “dispositif », and why not also the reflection on the “dispositif », morphs into the works itself. Rejecting the distinction between the work and its larger frame, such an approach of artistic creation does not dissolve into a form of dematerialization. There is definitely a conceptual dimension in the notion of « dispositif », but materiality is no less present and active. Contemporary art often chooses to question the entanglement of these two registers.
This new issue of Place offers a selection of some of these interventions.